Guimba Coulibaly a rendez-vous mardi 21 janvier à l’Ecole nationale de Police de Paris à Vincennes. Le centre de rétention administrative (CRA) est sur place. Pratique quand on s’apprête à expulser un jeune malien de 20 ans. Comment en est-on arrivé là ?
En 2016, Guimba n’est encore qu’un enfant de l’Aide Sociale à l’Enfance pris en charge par le conseil départemental de Côte d’Or, en 2020, le voilà devenu un paria sans papiers qu’il faut expulser. Entre ces deux dates, un DELF (diplôme d’études en langue française), deux CAP, un bac professionnel, un métier, la boulangerie, des amis, des employeurs satisfaits et en mai 2019, en guise de récompense à ce parcours sans fautes, une Obligation de Quitter le Territoire Français. Son acte de naissance serait un faux. Le tribunal administratif de Dijon nie l’existence d’une conseillère consulaire, Mme Fofana Awa
Dembélé qui a authentifié l’acte de naissance de Guimba au consulat du Mali à Paris. Imagine-t-on un conseiller consulaire français en poste à Bamako, nommé par le chef de l’état, sommé de prouver son identité aux autorités maliennes ? C’est pourtant ce qui vient d’arriver à Mme Dembélé.
Quoiqu’il en soit, et au terme d’un marathon administratif ubuesque, le préfet de Côte d’Or a sur son bureau, un certificat signé du consul qui authentifie l’acte de naissance de Guimba Coulibaly et annule de fait l’OQTF. Las ! Sans aucune preuve supplémentaire, le préfet s’entête et affirme que l’acte de naissance est une contrefaçon et qu’il ne délivrera pas un titre de séjour sur la foi de faux papiers. Qu’un représentant de l’état français méprise de façon aussi spectaculaire les autorités d’un pays tiers, le Mali, relève de l’incident diplomatique.
Aujourd’hui, alors que Guimba s’est plié à toutes les exigences administratives, il est à la
veille de se faire expulser.
Qui peut réparer cette injustice ? Qui peut mettre un terme à cet imbroglio diplomatique ?
Qui peut convaincre Mr Bernard Schmeltz, préfet de Côte d’Or, de revenir sur sa décision après examen des pièces fournies par le consulat du Mali ?
Il y a urgence car l’avion pour Bamako est déjà sur le tarmac...
Quand je traîne en ville, c’est comme si il y a quelque chose qui m’envoie dans mon ancienne vie, c’est plus dur que j’avais imaginé.
L’importance, c’est de trouver un truc qu’on aime et de se raccrocher à ça.
Dans ma tête, il y a un gamin qui vit enchaîné dans une sombre chambre remplie de solitude intense, telle est sa résidence.
Derrière ce mur il connaît le chagrin tous les jours et autant que le temps passe, inexorablement.
Les mentalités restent sales et corrompues, aveugles, désespérément. Les prisons sont au bord de l’asphyxie, peuplées de gardiens tristes, ces coeurs enchaînés craignent le changement, leur volonté affaiblie périt lentement.
Pourtant je suis resté patient, le temps peut limiter, mais jamais tuer ma volonté. La force d’un compagnon est aussi solide que le barreau de prison. Mais le silence parle et me dit tout ce qu’il faut entendre, il confirme mes croyances et les promesses faites en l’air. Il me rappelle que sans liberté, je
suis seul.
Pour ces âmes noircies, tout ce mur blanc n’a pas suffit, je donne l’accolade et la pièce à 95 % de mes frères avant qu’ils soient séquestrés ou qu’ils finissent à secouer sous terre.
Ce que je fait c’est ce que je suis mais ce que je suis c’est ce que je fais aujourd’hui. Je n’abandonne pas la partie mais cette fois je compte gagner mon pari et le bien est en moi.
J’apprends à apprécier mon combat, sans quoi le sentiment du travail accompli n’existe pas.
Etre un homme c’est prendre des initiatives, on vit et on lutte, on brille et on chute, tel le battement de coeur d’un géant endormi aux rêves doux et amers.
Lève-toi et souris !!!
Août 2019
Texte du collectif lycée d’accueil international Le Castel :
Quiconque prend conscience des ravages occasionnés par la loi « Asile et Immigration » devient militant malgré lui tant la découverte de drames impensables pousse le moins courageux à se mouiller. Chaque région a son préfet, chaque ville, son squat, chaque classe, son élève en-situation-irrégulière et ce sont bientôt des milliers de personnes prêtes à témoigner. En France, en 2020, des policiers arrêtent des familles à 6h du matin, des préfets remplissent les centres de rétention administrative et des aéroports affrètent des avions de ligne pour ramener, en classe éco et sous bonne garde, des « sans papiers » dans leurs « pays d’origine ». Rien de nouveau ? Si, la brutalité, l’absence de scrupules, la totale impunité d’un état en roue libre qui justifie sa politique migratoire par tous les moyens à sa disposition. Pouvoir discrétionnaire des préfets, accusations fallacieuses, remises en question de la validité des actes de naissance et des passeports. On traque Ali, Fernando, Fatoumata. On n’aime pas les albanais puis les géorgiens puis les kosovars. On s’attaque à un continent car on a de l’appétit, on ne veut plus des « Africains » et, en voyage officiel, on négocie le retour des ressortissants « chez eux ». Le ministre se félicite alors des accords entre « nos deux pays ». Les pétitions Change.org se multiplient et on signe en pilote automatique, débordés, accablés, défaitistes.
Défaitiste ? Pas question de l’être quand on lit la prose poétique de Guimba, un malien de 21 ans arrivé mineur en France, au terme d’un périple de trois ans qui l’a jeté sur les pires routes du monde. En 2016, le voilà à Dijon. Et il s’accroche et il rencontre des femmes et des hommes très divers qui l’aident. A obtenir des diplômes (des enseignants), à avoir un toit au-dessus de la tête (des bénévoles) et parfois pour quelques mois à obtenir un éphémère « titre de séjour » (les associations). Pour combattre le discours de ceux qui anonymisent « le migrant » comme hier on a pu anonymiser l’art de contrées trop lointaines pour être nommées, nommons, lisons, admirons.
Il s’appelle Guimba Coulibaly, il vient du Mali et il a appris le métier de boulanger. Bonne fille, l’éducation nationale lui a appris à affûter ses mots et aujourd’hui, les lames sont tranchantes. Il ne pleure pas même si mardi 21 janvier, on l’attend à l’Ecole nationale de Police de Paris. Pas pour le féliciter, pour le renvoyer à Bamako. Alors on le lit et si lui ne pleure pas, nous, si.
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