Pour le comprendre, il faut revenir en arrière. Ces dernières années, la petite préfecture du Jura a connu trois tentatives de squat [1] [2] [3], un mouvement de gilets-jaunes déterminé qui a subi pas moins de 17 auditions au commissariat, deux gardes à vue, une pluie de PV sans contact [4] [5] et même un incendie d’antenne téléphonique ayant donné lieu à un procès digne d’une dystopie autoritaire [6]
Le 11 septembre dernier, les manifestant.es décident de forcer l’entrée du parc des bains privatisé pour les intérêts de la société fromagère « La Vache qui rit » [7],
ce qui selon la rumeur a grandement effrayé Danièle Brulebois, députée En Marche (ou crève), forcée - selon elle - de quitter les lieux. L’entrée du parc ne s’est pas faite sans quelques heurts et gazages de zélés vigiles consternés par l’inaction de la police. Police qui n’est pas restée inactive bien longtemps, puisque sous les ordres du préfet du Jura, elle a procédé à six arrestations à domicile et mises en gardes à vue (12 heures environ à chaque fois) sur Lons le Saunier et Saint-Claude. Les faits reprochés vont de l’intimidation de la députée Brulebois, l’outrage, la participation à manifestations interdites à l’affichage sauvage. Le tout sans preuve, mais ayant repéré jusqu’à cinq RG dans les manif, l’accusation policière va être féroce. « Avec la députée, ça suffit, on se retrouvera en correctionnelle » a même clamé un des dirigeants de la répression lors d’un étonnant passage dans les locaux policiers.
A la suite de cette entrée forcée dans un espace public extérieur, rétablissant temporairement la liberté de circuler, quelle n’a pas été la surprise des manifestant.es de découvrir un déploiement policier jamais vu à Lons, avec la présence du Peloton de Surveillance et d’Intervention de la Gendarmerie ! Accompagnée de deux voitures de bleus et de quatre ou cinq RG que tout le monde a maintenant repérés.
C’est donc accompagné pour la seconde fois de tout ce dispositif répressif que la place de la liberté se remplit peu à peu en ce samedi 2 octobre. Le cortège a sérieusement maigri, 400 environ pour 1500 au plus fort de la mobilisation, les pompiers en tenue ont disparu (ils auraient été sanctionnés), mais davantage de soignan.tes suspendu.es de leur travail et en blouses blanches sont présent.es. Le cortège s’élance sans attendre vers l’hôpital, prenant de cours les pandores d’élite qui arriveront en retard et sous les railleries de la foule, face à l’entrée du centre hospitalier pour en en interdire l’accès. Des prises de paroles lamentables disant comprendre les cognes se succèdent, et le cortège se dirige vers l’ancienne mairie pour une série de discours ne valant guère mieux. Le collectif (sans nom) regroupant ATTAC - CNT - FSU - LFI - NPA, isolé, consterné, en petit nombre, renonce à prendre la parole. Le tout se terminera place de la liberté avec de nouveau une série d’interventions de la droite qui se cache (UPR), et de personnes tenant des propos parfois délirants sur la paix, les soins magiques et la nation. Une jeune femme sauvera le tableau par une intervention plus politique mettant en cause le caractère liberticide du passe sanitaire. Certain.es iront faire un saut à la préfecture et on en restera là.
Devant cette situation passée sous silence par les médias locaux, devons-nous parler de dérive autoritaire comme c’est souvent le cas ? Nous préférons ici laisser la conclusion à Ludivine Bantigny (historienne) et Ugo Palheta (sociologue) en citant un extrait de leur livre récemment paru en librairies « Face à la menace fasciste ».
Face à l’accélération autoritaire, il est tentant d’affirmer la nécessité de défendre, de restaurer, ou d’approfondir « la démocratie », sans comprendre que la transformation actuelle des démocraties capitalistes n’est ni une dérive, ni une trahison de la part des dirigeants politiques peu scrupuleux, mais leur réponse, réactive et préventive à l’effritement des conditions politiques de leurs dominatione, inscritee dans la trajectoire même du capitalisme. Dans l’équilibre entre consentement et coercition qui permet d’assurer le maintien de l’hégémonie, la balance penche de plus en plus du côté de la coercition c’est à dire de la répression. Faut-il dès lors réclamer d’en revenir à une domination plus policée et pacifique, davantage fondée sur le consentement ? Doit-on espérer un retour à des formes de compromis social permettant un développement plus harmonieux du capitalisme ? Poser la question c’est en grande partie y répondre.
Face à la menace fasciste, p.105/106
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