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Contre le béton, pour la nature à Dijon : vers la fin de l’aventure des jardiniers en résistance ?



Alors que ce mardi 29 juin la Cour d’Appel de Dijon ordonne l’expulsion sans délai des occupants de la maison, les Jardins de l’Engrenage renouvellent leur appel au plus grand nombre pour préserver le dernier espace de respiration du canton de Dijon-2.

Depuis le 17 juin 2020, des Dijonnais occupent et cultivent un terrain municipal pour s’opposer à la construction d’un projet immobilier sur un espace naturel, dans un contexte de densité urbaine très élevée, d’absence d’espaces verts et de surévaluation des besoins en logements à Dijon.

En 12 mois, les “Jardins de l’Engrenage” ont tracé une véritable épopée dans la vie locale, allant jusqu’à défier dans les urnes la première adjointe au Maire en se présentant contre elle aux élections départementales.

Ce mardi 29 juin, la Cour d’Appel de Dijon a ordonné l’expulsion sans délai des occupants de la maison, après épuisement de tous les recours juridiques disponibles.

Dans le contexte climatique actuel dramatique, nous craignons la destruction du dernier espace naturel du quartier qui priverait les habitants d’un îlot de fraîcheur et d’un lieu de vie sociale, besoins fondamentaux bafoués par l’appât du gain des promoteurs immobiliers alliés au maire bétonneur François Rebsamen.

Que s’est-il passé le 17 juin 2020 ?

A la sortie du premier confinement, les habitants ont pris conscience d’un double besoin d’espaces verts et de lieu de sociabilité qui leur avaient tant manqué durant des semaines, limités qu’ils étaient dans leurs promenades dans un rayon d’un kilomètre dans le quartier de l’avenue de Langres à Dijon, très urbanisé. Spontanément, certaines personnes avaient déjà pris leurs habitudes en se promenant sur la friche située entre les numéros 29 et 63 de l’avenue.

Dans un mouvement général de prise de conscience de la valeur des espaces naturels en ville et de lutte contre l’artificialisation irrémédiable des sols, une convergence d’énergie de citoyens venus de toute la ville a débouché sur l’occupation de la friche arborée lors de la première journée contre la réintoxication du monde le 17 juin 2020. Ce terrain, promis par la Ville de Dijon au promoteur Ghitti Immobilier pour y construire 330 logements, a été nommé “Jardins de l’Engrenage”.

Que s’y vit-il depuis un an ?

Occupant donc illégalement, mais légitimement, le site “Langres / Garden State” et domiciliant deux personnes dans la maison vide existante, les jardiniers en résistance ont semé, planté, sarclé et arrosé toutes sortes de légumes et d’arbres : le lieu, ouvert à toutes et à tous, a été pour les habitants du quartier un lieu d’échange, de détente, de respiration. Chacun apportant ses talents, qui en jardinage, l’autre en bricolage, les Jardins de l’Engrenage ont procuré de l’humanité au quartier, dans une dynamique auto-gestionnaire jalonnée par les Assemblées Générales et des événements festifs.

Lieu de solidarité aussi, puisque pendant le deuxième confinement de novembre 2020, le auvent de la maison a servi de lieu de distribution alimentaire pour des personnes dans le besoin, sans condition d’accès, en lien avec un collectif local.

La solidarité s’est exprimée concrètement aussi le 25 juillet lorsque des dizaines de personnes sont venues prêter main forte aux jardiniers pour réparer les dégâts causés par les tractopelles de la Mairie passés la veille pour détruire le potager collectif..

ça a l’air de déranger les élites en place …

Visiblement contrecarré dans ses plans de bétonisation à outrance et vexé par la résistance rencontrée par ses tractopelles en juillet, le Maire de Dijon a lancé début août 2020 une procédure judiciaire d’expulsion de la maison et du jardin.

Le droit de propriété prévalant sur celui de la santé et du bien-être des individus, la justice a ordonné en novembre 2020 l’expulsion des jardins, tout en reportant à plusieurs semaines la procédure concernant l’occupation de la maison. C’est une chance que le droit au logement des personnes précaires ait encore un peu de valeur en France !

Alors que le Tribunal accordait le 19 mars 2021 un délai de 6 mois aux occupants avant leur expulsion, le mardi 20 avril dès 7 heures du matin, les tractopelles et les bulldozers, encadrés par un dispositif impressionnant de forces de l’ordre, ont anéanti en quelques heures des milliers d’heures de travail patient du sol. Depuis le trottoir, plongés dans un nuage de gaz lacrymogène durant 4 jours, les riverains et les jardiniers n’ont pu que déplorer le gâchis du déracinement des jeunes arbres fruitiers plantés le 29 novembre. Du 20 au 23 avril, on a assisté à Dijon à des scènes telles qu’on les voit dans des vidéos sur internet : les tronçonneuses qui mettent à terre des arbres quasi centenaires !

Dans le même temps, la Ville de Dijon érigeait un mur de briques de béton géantes autour de la maison, symbole frappant du fossé grandissant entre des citoyens engagés pour protéger la nature en ville et des élus alliés aux promoteurs pour couler toujours plus de béton !

Loin d’être découragés par l’aspect lunaire du terrain que les engins leur avaient laissé après avoir arraché et évacué des centaines de mètres cube de terre, les jardiniers, rejoints par de nombreux soutiens dijonnais, ont patiemment aplani le terrain et replanté des légumes pour le printemps.

Les salades ont particulièrement profité des pluies printanières et sont devenues l’emblème de ce retour à la vie des Jardins de l’Engrenage.

Et le dialogue dans tout ça ?

En mars 2021, les jardiniers en résistance ont adressé au Maire une lettre ouverte pour lui expliquer les raisons du rejet massif du projet immobilier par les habitants, et lui proposer une méthode pour co-construire avec les Dijonnais un aménagement plus équilibré du site, notamment autour d’un futur espace naturel commun.

Ce courrier est resté lettre morte, tout comme celui adressé plus récemment par l’association des Ami-es des Jardins de l’Engrenage au Maire de Dijon pour lui demander la mise en place d’une concertation citoyenne locale en vue d’un projet d’aménagement alternatif de la zone, prenant en compte les caractéristiques du terrain et les besoins des différentes parties prenantes.

Sans compter les appels répétés au dialogue publiés dans les fréquents communiqués des Jardins de l’Engrenage auxquels le Maire est resté sourd.

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De quel côté se trouve la démocratie ?

Lassés de ne pas être pris au sérieux par le pouvoir en place et désireux d’élargir encore le soutien public des Dijonnais, les Jardins de l’Engrenage se sont lancés début mai 2021 dans la campagne des élections départementales en présentant un binôme de candidats sur le canton de Dijon-2, où se trouve le terrain et pour lequel la première adjointe au Maire, tout de même déléguée à la transition écologique, au climat et à l’environnement, conseillère départementale sortante, se représentait.

La candidature s’est basée sur un message simple : “Contre le béton, pour la nature, votez les Jardins en résistance”. Les candidats, tirés au sort parmi les adhérents de l’association des Ami-es des Jardins de l’Engrenage, ont accepté d’être les porte-parole du mouvement.

En quelques jours, la maison s’est transformée en PC de campagne, les jardiniers ont appris les limites administratives du canton, repéré la localisation des bureaux de vote, organisé des permanences de tractage, etc. De l’avis unanime des bénévoles engagés dans la campagne électorale, l’accueil réservé par les personnes rencontrées à la sortie des écoles ou sur les marchés était vraiment très positif.

En dépit de ces bonnes impressions, quelle ne fut pas la surprise de l’équipe au soir du dimanche 20 juin lorsque le score de 14,62 % est tombé ! Dans les bureaux de vote situés à proximité des jardins, ce taux monte à près d’un électeur sur quatre, qui a voté pour les Jardins de l’Engrenage. Insuffisant cependant, vu le taux de participation très bas qui montre la non-représentativité des élus en place, pour un maintien au second tour : la consigne de vote donnée à l’ensemble des Dijonnais pour le dimanche 27 juin a été de glisser dans l’urne un bulletin “Jardins de l’Engrenage”. Le journal local a calculé que le nombre de bulletins nuls a quadruplé sur le canton de Dijon-2 entre les 2 tours, avec plus de 5 % de vote nul sur les 2 bureaux de vote les plus proches. Signal fort à interpréter par le Maire ?!

En finir vite avec ces “jardiniers squatteurs” ...

Comme si le délai de 6 mois accordé par le Tribunal en première instance venait le contrarier, le Maire de Dijon a fait appel de la décision concernant l’expulsion des occupants de la maison. S’appuyant sur un dossier accumulant des preuves fallacieuses sur les soi-disant nuisances apportées dans le quartier par les jardins et les pseudo-besoins en logements calculés de manière vague dans son Plan Local d’Urbanisme, François Rebsamen s’entête dans son raisonnement mégalomane de vouloir faire grossir à tout prix la ville de Dijon. Faut-il rappeler que ce maire “modèle” a été nommé le 18 mai à la tête d’une Commission nationale chargée de créer les conditions pour augmenter et accélérer la délivrance des autorisations d’urbanisme par les collectivités ?

Poussant le ridicule jusqu’au bout, la Ville de Dijon a récemment assigné l’association des Ami-es des Jardins de l’Engrenage à payer 200 000 € de dommages et intérêts, somme tirée de calculs d’apothicaire additionnant des arriérés de taxes non perçues et réclamant tout de même 10 000 € pour l’image du Maire, qui aurait souffert depuis un an !

Alors que ce mardi 29 juin la Cour d’Appel de Dijon ordonne l’expulsion sans délai des occupants de la maison, les Jardins de l’Engrenage renouvellent leur appel au plus grand nombre pour préserver le dernier espace de respiration du canton de Dijon-2.

Juin 2020 - juin 2021 : le monde d’après, qu’est ce que ça change ?

Deux semaines après le résultat des élections départementales, qui démontre à lui seul que le projet immobilier Garden State est rejeté par la population, nous sommes toujours sans nouvelle du Maire de Dijon.

Avec cette décision de la Cour d’Appel, le Maire de Dijon peut légalement demander l’usage de la force publique pour récupérer “son” bien municipal : nous craignons qu’il n’y recoure sans vergogne, au mépris de l’expression démocratique.

Nous ne sommes pas les seuls à lutter pour le droit à un avenir désirable et durable : partout en France et dans le monde, des gens se lèvent et disent NON à la folie destructrice des élites en place. Alors que le Haut Conseil pour le Climat (HCC) estime une nouvelle fois dans son rapport annuel que les efforts actuels sont insuffisants pour garantir l’atteinte des objectifs de la France, nous souhaitons faire de ces 12 mois d’aventure collective un symbole de la force des citoyens qui s’unissent pour faire face aux enjeux de demain.

Les Jardins de

l’Engrenage



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