Relance de l’aménagement urbain à Dijon



Le début du mois de février a été l’occasion d’une grande campagne marketing au sujet de l’habitat à Dijon. Contrat de relance du logement de 2,1 millions d’euros et dévoilement du projet d’aménagement du quartier du Pont des Tanneries, un petit point sur la situation.

EcoQuartier Bruges II – Pont-des-Tanneries

On en sait un peu plus sur le projet d’aménagement du quartier du Pont des Tanneries qui menace les friches de la promenade de l’Ouche ainsi que les maisons des berges de l’Ouche, qui font partie du patrimoine dijonnais. Le promoteur immobilier Linkcity Nord-Est et le cabinet d’architecture Atelier Philippe Madec projettent d’aménager 47 000 m² entre l’Ouche et la voie-ferrée pour y bâtir 375 logements et des services sur 30 000 m², et tentent de racheter leur image en proposant 7500 m² de terres maraîchères et un parc de 6000 m². Le fameux « grand parc urbain que vous n’attendez pas » annoncé par François Rebsamen au conseil municipal du 27 septembre 2021 ? Autorisé par le préfet le 15 avril 2021, le projet devrait voir le jour en 2024 pour une livraison en 2026. Ce projet, entre autres, sera bénéficiaire d’un contrat de relance du logement signé entre l’État et la métropole de Dijon.

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Contrat de relance du logement

Le Rapport Rebsamen annonçait la contre-attaque métropolitaine face aux résistances à l’aménagement urbain. Voilà qu’elle prend forme concrètement. Vendredi 4 février, Emmanuelle Wargon, ministre du logement, signe à la préfecture de Dijon un « contrat de relance du logement » de 2,1 millions d’euros pour Dijon métropole, dont 1,2 millions pour Dijon même. Une première, comme un petit cadeau faisant suite au Rapport Rebsamen pour la relance durable de la construction de logements, publié le 22 septembre 2021. Comme si Dijon manquait de projets immobiliers. En Côte-d’Or, les constructions d’habitations ont bondi de 28 % par rapport à 2020. Le but de ce contrat de relance est d’augmenter de 35 % supplémentaires les constructions en 2022 soit de passer de 1400 logements prévus à 1900 logements construits en 2022, dont 1000 à Dijon et 900 dans la métropole. La signature réunit tout le gratin politicien dijonnais : Fabien Sudri, préfet de Côte-d’Or ; François Rebsamen, maire de Dijon et président de Dijon Métropole ; Catherine Gozzi, adjointe au maire de Quetigny ; Thierry Falconnet, maire de Chenôve ; Guillaume Ruet, maire de Chevigny-Saint-Sauveur ; Monique Bayard, maire de Plombière-les-Dijon ; Philippe Belleville, maire de Sennecey-les-Dijon ; Fadila Khattabi, députée de la 3e circonscription de Côte-d’Or ; Didier Martin, député de la 1re circonscription de Côte-d’Or ; François Patriat, sénateur de Côte-d’Or ; Pierre Pribetich, vice-président de Dijon métropole délégué à l’urbanisme et Françoise Tenenbaum, vice-présidente de Dijon Métropole déléguée aux politiques sociales.

Habitats manquant ?

Emmanuelle Wargon joue la corde sensible en déclarant qu’il manquerait 9000 habitats à la métropole de Dijon et que la relance du logement est nécessaire. Mais d’où sort-elle ce chiffre ? François Rebsamen avait mentionné 9500 logement manquant lors de son offensive médiatique contre les Jardins de l’Engrenage en avril 2021. Le chiffre de 9500 logements manquant dans la métropole dijonnaise proviendrait des données d’avril 2021 de l’Association Régionale d’Études pour l’Habitat Est qui centralise les demandes de logement social. Voilà qui est intéressant. Lorsque les politiciens déclarent « il manque plus de 9000 logements à Dijon », il faut en réalité entendre : « 9500 demandes de logement social sont en attente à Dijon ». En février 2022, l’Association Régionale d’Études pour l’Habitat Est fait état pour Dijon de 6675 demandes de logements pour 1911 attributions. Ce qui amène le nombre de logements en attente à 4764. Soit moitié moins.

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Difficulté de se loger

Quoi qu’il en soit, s’il manque des logements à Dijon, ce sont donc les logements sociaux. Et il est intéressant de comprendre pourquoi. Ceci nous amène au second pilier sur lequel s’appuie Emmanuelle Wargon pour construire son discours : le rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre, paru le 3 février 2022. Ce rapport met en lumière l’effondrement de la construction de HLM et des aides au logement – APL, ALF, ALS – depuis 2016, aides qui n’ont jamais été aussi faibles depuis leur mise en place. Le rapport fait état d’une augmentation de 100 % de personnes dans domicile, de 19 % d’hébergement contraint chez des tiers, de 23 % de surpeuplement, de 72 % de domiciles ne pouvant pas se chauffer, de 21 % de procédures pour impayés, de 42 % de personnes ayant de grosses difficultés à payer leur loyer et de 12 % de demandeurs de HLM – résultats de deux enquêtes de l’Insee publiées en 2006 et 2013. Ce que la Fondation Abbé Pierre appelle « crise du logement » n’a rien à voir avec la crise du logement dont parlent Emmanuelle Wargon et François Rebsamen. Le rapport ne fait pas état d’un manque de logement, il constate la difficulté croissante de se loger. Il ne conclue pas sur la nécessité de construire d’avantage de logements mais d’aider l’accès aux logements, de lancer une rénovation énergétique et une conversion de logements vers des loyers modérés. Si des personnes ont du mal à se loger ce n’est pas parce qu’il y a un manque de logements, c’est parce que le logement est difficilement accessible pour beaucoup. Et si on lit ce rapport de près, on s’aperçoit qu’il dénonce les expulsions de personnes exilées, en citant Dijon (p. 91).

Objectifs politiques

Le maire de Dijon a profité de sa rencontre avec la ministre pour se plaindre des restrictions exigées par la loi Climat et Résilience afin de réduire l’artificialisation des sols de 50 % à l’échelle de la région en 10 ans. Il dénonce : « La bataille de la ville est perdue, il faut la regagner. Dans les villages, on peut construire où l’on veut, on peut s’étaler. Dans les villes où on a des besoins, on n’a pas le droit de s’étaler et on ne s’étale pas. Il faut densifier, il n’y a pas de secret. La Région est pour 50% pour tout le monde. Ça veut dire que les endroits qui sont en décroissance auraient le droit de construire sur 50% de ce qui avaient construit avant et les endroits qui sont en grande croissance n’auraient pas le droit d’en faire plus. » Densifier ou étaler, François Rebsamen n’a qu’une idée en tête : aménager. Mais pourquoi tient-il autant à construire ? Nous trouvons un élément de réponse dans une interview de Jean-Philippe Girard, le nouveau président de l’Agence de développement économique Dijon Bourgogne Invest. Et celui-ci n’use pas de la langue de bois politicienne. Ses propos sont très clair : « Je crois que si on parle d’une ambition au niveau territorial, au niveau de la métropole, l’implantation de nouvelles entreprises sur le secteur de la santé, de l’agroalimentaire et d’autres secteurs qui sont porteurs actuellement, il faut du logement. » Voilà une réponse : la croissance économique ! Rien de surprenant dans un monde où le domaine économique écrase tout les autres. Il faut attirer les entreprises, et il faut aussi loger ceux qui vont venir y travailler. Mais il ne faut pas oublier que cette croissance a un objectif : placer Dijon en bonne position dans la course à la métropole. Ces noyaux urbains interconnectés qui tissent le monde de demain. Pour accéder au statut de métropole, la communauté de communes doit compter au moins 300.000 habitants. François Rebsamen a eu une petite dérogation, mais il doit travailler à la croissance économique et démographique de son empire pour qu’il soit digne de son statut.

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Résistances

Les politiciens ont beau se cacher derrières de nobles intentions, les habitations qui seront construites ne régleront pas la question de la difficulté de l’accès au logement. Dans le même temps, les logements vides s’accroissent à mesure que François Rebsamen s’acharne à construire toujours plus. Selon l’Insee, 7 % des logements de la métropole dijonnaise sont vacants en 2018, soit 9449 habitations. Tiens, ce chiffre ne vous rappelle-t-il rien ?

Heureusement, des noyaux de résistance s’organisent en plusieurs endroits de la métropole, sous la forme d’un collectif d’associations de quartier [1], d’un Atelier d’écologie politique à l’Université de Bourgogne-Franche-Comté, d’un appel à reprendre la ville ou de luttes territoriales comme sur les Jardins Larrey-Marillier, au Parc Montmuzard, au Parc Baudin-Mirande, aux Jardins de l’Engrenage ou au Quartier des Lentillières.
La lutte continue !

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