Le 17 juin 2020, 400 personnes se réunissent pour répondre à l’appel national « Contre la réintoxication du monde ». Un mois tout juste après la fin du tout premier confinement, cet appel visait à empêcher le retour à la normale de toutes les industries mortifères qui s’étaient mises à l’arrêt pendant le confinement.
À Dijon, cette manifestation se termine par l’occupation du 63 avenue de Langres, deux hectares de friche et d’anciennes terres maraîchères au nord de Dijon menacées de bétonisation par l’entreprise Ghitti Immobilier et son projet hypocrite de « Garden State ».
La journée est magnifique, et on voit immédiatement surgir de terre les premiers signes de culture, tout comme une boîte à livre, un terrain de pétanque et une buvette !
Dans un communiqué sorti le soir même, le collectif du 17 juin affirme : « Avec la période trouble que nous vivons, il semble essentiel de changer notre rapport à la terre, à notre alimentation mais aussi notre manière de nous mettre en relation en construisant des réseaux locaux d’entraide. Cette friche, comme elle l’a confirmée durant le confinement, a un réel usage pour le voisinage : s’y promener pour y cueillir des cerises, y balader son animal de compagnie ou y jouer à cache-cache. »
Après deux mois de confinement, cette journée signe le retour d’une période de lutte et fait converger de multiples collectifs et individus différents.
Dès le 21 juin, une fête de la musique libre et pirate est organisée. Elle est dédiée à Steve Maia Caniço, assassiné par la police à Nantes le 21 juin 2019. Alors que la fête de la musique instituée par la municipalité est annulée, la police restera à distance de cette belle soirée.
Le 28 juin est appelé une grande assemblée générale pour parler de l’avenir des terres. Une multitude de projet ont déjà fleuri sur les terres depuis le 17 juin : des habitant·es du quartier ont pris place pour y installer des petits jardins potagers, des parcelles collectives ont été mises en culture, des réunions permanentes ont lieu pour faire le suivi des parcelles cultivables, des courts métrages ont été projetés à la nuit tombée. « En gros c’est un joyeux fouillis bien vivant ou s’entremêle plein d’intérêts différents de s’y retrouver. Le grand Tilleul qui trône sur l’une des deux parties du lieu est déjà un point de repère et l’endroit où s’organise les réunions et les assemblées générales. » dit l’appel à cette assemblée.
Début juillet, plusieurs petits déjeuners de résistance sont organisés pour éviter toute tentative d’expulsion. Des chantiers d’été sont organisés tous les samedis matin aux jardins désormais baptisés Jardins de l’Engrenage, en référence à l’avenue de Langres qu’ils bordent. Les nouvelles des jardins sont excellentes, les potagers fleurissent, des escaliers et des pancartes apparaissent, le terrain de pétanque est finement damé et il y a même un tournoi le 11 juillet. Le 23 juillet, le marché du Quartier Libre des Lentillères se délocalise à l’Engrenage.
Le 24 juillet, la mairie tente une expulsion en envoyant des municipaux et quelques pelleteuses. Elle sous-estime largement la détermination des occupant·es, qui arrivent assez rapidement en grand nombre et bloque l’avancée des pelleteuses.
Échec cuisant pour la municipalité. Les parcelles détruites sont remises en culture rapidement dans un large soutien.
L’été se termine entre jardinage, soirée cinéma et un concert de soutien aux Lentillères.
En septembre, la mairie change son fusil d’épaule et décide de passer par les voies légales d’expulsion... Une date de procès tombe pour septembre, puis est reporté en octobre. Une centaine de personne est réunie devant le tribunal.
Le verdict tombe le 5 novembre. Le juge déclare l’expusabilité des terrains, et se déclare incompétent en se qui concerne la maison.
Dans un communiqué, l’Engrenage affirme que les légumes et les arbres sont enracinés et qu’ils ne partiront pas.
Le 17 novembre, pour marquer les 6 mois de l’occupation et une nouvelle journée nationale contre la réintoxication du monde, la station tram « Nation » est rebaptisée « Jardins de l’Engrenage ». Et le 17 décembre, une journée est organisée pour inviter particulièrement les gens à se rendre dans deux espaces de luttes contre la bétonisation : l’Engrenage et le parc Mirande-Baudin fraichement occupé.
Le procès de la maison a lieu le 15 janvier et le rendu est reporté à la mi-mars.
Début mars, une lettre ouverte est adressée au maire ainsi qu’à Ghitti Immobilier pour demander officiellement l’abandon du projet « Garden State ». Elle démontre méthodiquement les nuisances du projet, et propose une co-construction d’un nouveau projet.
En réaction, la mairie invite les riverains à une série de réunions en mairie, par paquet de 6, pour leur faire la réclame du projet immobilier Garden State... C’est la première fois que la mairie organise des réunions pour parler du projet avec les habitant·es du quartier...
Le 19 mars, le rendu du procès de la maison est annoncé : le juge donne 6 mois de délai avant l’expulsabilité, qui tomberait donc fin octobre. La mairie fait appel de la décision.
Deux jours après, une centaine de personne se retrouve pour fêter le printemps et commencer à élaborer un futur « espace naturel commun », proposition alternative au projet Garden State.
C’est au milieu de cette dynamique printanière, les voisin·es affluant pour demander des parcelles et des groupes de travail réfléchissant à un projet de quartier alternatif, que flics, bulldozers et pelleteuses ont débarqué le 20 avril.
Rapidement, ils ont détruit la totalité des jardins en ne laissant que la maison centrale, encore protégée par les délais d’expulsabilité. La terre arable a été enlevée dans des dizaines de camion bennes, les jardinièr·es gazé·es et six d’entre elles et eux ont été arrêté brutalement.
La résistance s’est organisée au fil de la semaine. Tous les matins plusieurs dizaine de personne ont continuer d’empêcher bulldozers et pelleteuses de travailler sereinement... Jusqu’à ce que l’entreprise de BTP Pennequin annonce qu’elle renonçait à poursuivre le chantier "dans ces conditions".
Plusieurs communiqués ont été publié durant cette semaine, pour décrire le saccage des jardins, réaffirmer que malgré les journées de lacrymo les jardins respiraient encore et revenir sur les nombreux mensonges de la préfecture.
Durant toute cette opération, la mairie se montrera discrète, dépassée par l’ampleur de la résistance, et se contentera de remettre en avant le besoin de logement et l’écologie du projet Garden State prétextant la création de "jardins familliaux" - que le projet se contente en réalité de concerver...
Les communiqués de soutien pleuvent : Solidaires 21, le Quartier des Lentillères, le séminaire Transition ainsi qu’un billet d’humeur anonyme mais cinglant "Garden State mon cul !".
Terme de cette première semaine de résistance, une manifestation de 500 personnes vient reprendre les terres le samedi 24 avril, et commence à remettre en culture les parties les moins abîmées par l’opération. Des chantiers sont appelés tous les jours pour transformer le désert laissé par les machines en terrain de foot et de pétanque. Les idées pleuvent.
En attendant l’appel de la décision d’expulsabilité de la maison, courant juin, les rendez-vous de lutte ne manqueront pas, à commencer par la manifestation du 1er mai !
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